
Lorsqu’un footballeur star s’invite dans l’univers feutré du tennis mondial, cela ne passe pas inaperçu. C’est exactement ce qu’a fait Gérard Piqué, ex-défenseur central du FC Barcelone, en décidant de réformer l’une des compétitions les plus emblématiques du tennis : la Coupe Davis. À travers son entreprise Kosmos, il s’est lancé dans une aventure ambitieuse, parfois critiquée, aujourd’hui terminée. L’histoire de cette réforme est celle d’un pari audacieux, porté par une volonté sincère de moderniser, mais qui s’est heurté aux complexités d’un sport profondément attaché à ses racines.
La Coupe Davis : un monument du tennis
La Coupe Davis n’est pas n’importe quelle compétition. Créée en 1900, elle oppose des équipes nationales dans un format unique, mêlant matches à domicile et à l’extérieur, sur plusieurs mois. Ce système, s’il est apprécié pour son authenticité, avait perdu de son attrait auprès du grand public, avec des stars souvent absentes et un format jugé trop long et peu lisible. C’est sur ce constat qu’est né le projet de réforme.
Piqué et Kosmos : une entrée fracassante dans le monde du tennis
En 2018, Gérard Piqué, par l’intermédiaire de Kosmos Tennis, signe un partenariat historique avec la Fédération Internationale de Tennis (ITF). Montant annoncé : 3 milliards de dollars sur 25 ans. Objectif : refonder la Coupe Davis en instaurant une phase finale annuelle réunissant 18 pays dans une ville unique, sur un format court et intense.
Madrid fut choisie pour accueillir la première édition du « nouveau » tournoi en 2019. Les intentions étaient claires : attirer plus de spectateurs, moderniser l’image du tennis par une approche proche du football, professionnaliser l’événement et générer des revenus nouveaux.
Un format controversé
Dès le départ, cette réforme divise. Les joueurs les plus influents – à commencer par Roger Federer – ne cachent pas leur scepticisme. Le public aussi s’interroge : quid de l’ambiance unique des rencontres nationales jouées devant un public acquis à la cause ? La magie de la Coupe Davis ne repose-t-elle pas justement sur cette ferveur locale ?
Les critiques s’intensifient lors des premières éditions. Si certains pays, comme l’Espagne, ont joué le jeu avec enthousiasme, d’autres grandes nations ont affiché un désintérêt croissant. Les tribunes clairsemées lors de certains matches ont nourri les doutes sur la viabilité du modèle. La pandémie de COVID-19 n’a rien arrangé, obligeant à revoir plusieurs fois l’organisation.
L’impasse financière
L’élément déclencheur de la rupture fut financier. Dès 2022, Kosmos demande à revoir les termes du contrat. Le montant de 40 millions d’euros que l’entreprise devait verser annuellement à l’ITF devenait difficilement soutenable. Les retours sur investissement étaient bien en deçà des attentes.
En janvier 2023, coup de tonnerre : l’ITF annonce la fin prématurée du contrat avec Kosmos. Piqué, via Kosmos, engage alors une procédure auprès du Tribunal Arbitral du Sport pour contester cette décision. Les deux parties se rejettent la responsabilité de l’échec.
Après plus d’un an de contentieux, l’affaire se clôture en mars 2025 par un accord à l’amiable dont les détails restent confidentiels. La page Kosmos est définitivement tournée.
Une leçon de gouvernance dans le sport
Si l’initiative de Piqué a pu paraître hasardeuse à certains, elle témoigne avant tout d’un constat partagé : le tennis a besoin de se réinventer pour reconquérir ses publics. Le problème n’est pas la volonté de changement, mais la méthode. Réformer un monument sportif nécessite de composer avec ses valeurs, son histoire, et surtout, ses principaux acteurs : les joueurs et les fans.
L’erreur de Kosmos n’a pas été de vouloir améliorer la Coupe Davis, mais peut-être d’en avoir modifié trop brutalement l’essence. Ce que les observateurs ont perçu comme une opération de marketing n’a pas trouvé d’écho dans le cœur des puristes du tennis.
Et maintenant ?
La Fédération Internationale de Tennis a annoncé vouloir revenir progressivement à un format plus traditionnel, intégrant à nouveau les rencontres à domicile et à l’extérieur. Ce retour aux sources, applaudi par nombre de joueurs, pourrait redonner une nouvelle jeunesse à une compétition qui, paradoxalement, renaît en retrouvant ses fondamentaux.
De son côté, Gérard Piqué ne semble pas vouloir renoncer à ses ambitions dans le monde du sport. Fort de son expérience, il pourrait rebondir dans d’autres disciplines où son sens de l’innovation pourra trouver un terrain plus favorable.
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